Le mois des records
Par Nicolas DOMONT
Gérant associé
Traditionnellement considéré comme le mois le plus défavorable de l’année - les statistiques indiquant des performances négatives dans 55 % des cas depuis 1928 -, le mois de septembre a cette fois déjoué les probabilités. Il s’est imposé comme une parenthèse exceptionnelle dans un environnement pourtant chargé d’incertitudes économiques et géopolitiques.
Alors que les investisseurs s’attendaient à une phase d’attente avant la saison des résultats du troisième trimestre, les marchés actions ont enchaîné les plus hauts historiques. Le CAC 40 a franchi pour la première fois la barre symbolique des 8 000 points, le S&P 500 a progressé de +3,5 %, signant sa meilleure performance de septembre depuis plus de quinze ans, tandis que le MSCI World s’est apprécié de +3,2 %. Cette envolée repose sur des fondamentaux solides : la dynamique des mégatendances et, en premier lieu, l’essor de l’intelligence artificielle. Loin d’une bulle spéculative, cette transformation s’apparente à un cycle d’investissement industriel massif.
Les grandes capitalisations technologiques multiplient les programmes d’investissement dans l’équipement - data centers, semi-conducteurs, infrastructures énergétiques - pour accompagner la croissance exponentielle de l’IA. Lors de la conférence Italian Tech Week à Turin, Jeff Bezos résumait parfaitement cette phase d’expansion : « nous sommes peut-être dans une bulle, mais c’est une bonne bulle : une bulle industrielle, pas financière ». Cette distinction traduit un changement de paradigme : contrairement aux excès des années 2000, les dépenses engagées aujourd’hui nourrissent une transformation productive et durable. Les CapEx (dépenses d'investissement) cumulés des géants du cloud - Microsoft, Amazon, Alphabet et Meta - devraient dépasser 330 milliards de dollars en 2025, un record absolu illustrant la réindustrialisation technologique du monde développé.
En parallèle, l’or a établi un nouveau sommet historique, à plus de 4 000 dollars l’once. Symbole de prudence dans un monde fragmenté, le métal jaune bénéficie à la fois de l’accumulation des réserves par les banques centrales, d’une offre structurellement limitée et d’une demande croissante pour les actifs tangibles.
La Chine a accentué ses achats d’or dans le cadre d’une stratégie de dédollarisation progressive visant à réduire sa dépendance vis-à-vis du dollar américain et à renforcer la crédibilité internationale du renminbi (RMB). En constituant d’importantes réserves physiques, Pékin cherche à asseoir la stabilité et la légitimité de sa monnaie tout en préparant un système monétaire plus multipolaire. Sans rivaliser avec les actions, l’or s’impose à nouveau comme un instrument de diversification et de stabilité, à la croisée des enjeux économiques et géopolitiques.
Les taux d’intérêt restent quant à eux sur des niveaux élevés, reflet de la persistance d’une prime de risque politique et budgétaire. Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale maintient le taux à dix ans autour de 4,5 %, tandis qu’en Europe, la BCE temporise après avoir amorcé un cycle de baisse de ses taux cet été.
Les marchés obligataires évoluent désormais dans une zone d’équilibre fragile, davantage guidée par les flux d’investissement que par la seule macroéconomie.
Au-delà des chiffres, ce mois de septembre illustre la résilience des entreprises cotées et leur capacité d’adaptation face à la diversité des régimes économiques. Ces records ne traduisent ni euphorie ni complaisance, mais bien une confiance renouvelée dans la puissance d’investissement, l’innovation et la cohérence stratégique des sociétés leaders.
Dans un monde où les cycles s’accélèrent et la visibilité s’érode, la constance de l’investissement et la discipline de long terme demeurent les meilleurs alliés de la performance durable.
Rédigé le 8 ocobre 2025
