Une belle histoire
Par Guillaume LAW YEE
Analyste Financier
Avez-vous déjà eu l’occasion de participer à un congrès scientifique ? Le niveau technique des interventions est bien souvent difficile à appréhender. Nous préférons tous en ressortir avec un bon vieux « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En bourse, le « storytelling » va bien au-delà de la simple communication puisqu’il s'agit de créer une vision inspirante, de susciter des émotions positives et de renforcer la confiance des investisseurs.
Une histoire bien racontée peut transformer leur perception d'une entreprise et donc influencer sa valorisation.
Pour illustrer cela, il faut mettre de côté les données chiffrées et se tourner vers des histoires engageantes. Apple, par exemple, ne vend pas simplement des téléphones, des ordinateurs ou des montres, mais permet d’avoir accès à des expériences révolutionnaires. Chaque produit est présenté comme une avancée qui transforme notre manière de travailler, de communiquer et de créer. Pour les détenteurs d’iPhones, l'appareil est devenu un outil indispensable, remplaçant le portefeuille, l’agenda et même le coffre-fort.
Ces histoires engageantes doivent être capables de susciter l’émotion, la confiance et pour certaines l’expérience. L’enthousiasme futuriste peut y contribuer, comme Tesla, qui n’est pas juste un fabricant de voitures électriques, mais un acteur clé de la transition énergétique mondiale et de l’espace. La rareté et l’exclusivité de produits développés sont également des atouts pour des marques comme Hermès et Ferrari.
Qui dit histoires dit figures pour les narrer. De Bernard Arnault à Warren Buffett, ces dirigeants deviennent des symboles rassurants pour les investisseurs. Ils façonnent l’image de l’entreprise bien au-delà des fondamentaux. Quel plus bel hommage pour un dirigeant qu’un titre perdant plus de 10 % sur l’annonce de son départ ?
L’histoire atteint son paroxysme lorsqu’elle s’aligne avec les tendances macroéconomiques. En mars 2020, le monde cherchait un sauveur, et Moderna s’est présentée comme une biotech avant-gardiste capable de sauver le monde. Début 2020, son cours était à 19$ pour atteindre un plus haut à 450$ en 2021. Aujourd’hui, le cours de bourse est retombé à 34$. Qu’a-t-il pu lui manquer ? Tout simplement entretenir la flamme.
Si on s’arrête un instant sur Microsoft, elle est la seule société à être présente dans le top 10 des capitalisations mondiales depuis 20 ans. En 2000, c’était un acteur majeur dans les systèmes d’exploitation, les suites bureautiques et les périphériques informatiques. En 2008, elle lance Azure, mettant l’accent sur le développement des services cloud, des solutions de stockage, de calcul et de gestion de données en ligne. Aujourd’hui, elle met l’accent sur l’Intelligence Artificielle. En résumé, sur les deux dernières décennies, Microsoft a été présente sur les plus gros mégatrends de son temps. Nous pourrions presque nous demander si ce n’est pas elle qui les crée, ou si elle a juste été bien inspirée, un peu comme LVMH qui ne suit pas la mode mais la crée.
La conclusion que l’on peut tirer du développement de ces deux sociétés, c’est qu’elles ne cessent d’innover. La première en faisant toujours évoluer sa technologie, la seconde en renouvelant l’expérience client. Pour la petite histoire, seule EssilorLuxottica a réussi à intégrer de la technologie dans un produit de luxe. Bon, d’accord, Meta l’a un peu aidée, mais les investisseurs ont été conquis !
Finalement, le parcours d’une société qui perdure n’est qu’une série de belles histoires réalisées. Bien sûr, pour revenir aux fondamentaux chers à Optigestion, une belle histoire est celle qui tient toutes ses promesses en termes de croissance, de marge et de prise de parts de marché. Les investisseurs ne retiendront que le retour qu’elles leur apporteront et se débarrasseront rapidement des contes et fables.
Rédigé le 10 mars 2025