Derrière l’agitation, l’essentiel.
Par Nicolas DOMONT
Gérant associé
Depuis quelques semaines, les marchés financiers évoluent dans un climat de forte incertitude. Cette instabilité ne résulte pas uniquement des données économiques, mais surtout des réactions parfois irrationnelles des investisseurs face à un environnement perçu comme confus et instable.
Lorsqu’un horizon devient difficile à lire, le manque de visibilité entraîne une perte de confiance. Cette défiance se traduit souvent par des comportements mimétiques : les investisseurs vendent parce que les autres vendent, sans réelle analyse, dans une logique de protection immédiate. Ce phénomène amplifie la volatilité et crée des mouvements de marché disproportionnés par rapport aux événements réels.
Lorsque ces mouvements s’accélèrent et que les investisseurs, las ou désabusés, renoncent à toute forme d’analyse pour liquider leurs positions à tout prix quelques soient les fondamentaux, on atteint ce que l’on nomme un point de capitulation : un niveau extrême où la pression vendeuse devient incontrôlée.
Une image illustre bien ce type de comportement : celle d’un conducteur pris dans un épais brouillard. Faute de visibilité, il freine, ralentit, ou suit aveuglément les feux de la voiture devant lui. Sur les marchés, le même réflexe conduit à des ajustements défensifs faisant l’objet de transferts massifs vers des supports perçus comme plus sûrs comme les valeurs mobilières dites de refuge, les liquidités, et dans une moindre mesure, les obligations d’État - bien que ces dernières soient elles-mêmes confrontées à des interrogations croissantes sur la soutenabilité des dettes publiques.
L’épisode politique déclenché par l’annonce du « Liberation Day » par l’administration américaine en est un exemple frappant. Les menaces d’instauration de droits de douane massifs ont immédiatement ravivé les craintes de ralentissement économique mondial, entraînant une perte de confiance généralisée des investisseurs. Parallèlement, la hausse des taux d’intérêt et la défiance croissante envers le dollar ont accentué les tensions. En apparence, tous les ingrédients d’un scénario de crise étaient réunis.
Mais derrière cette agitation, les faits ont vite apporté une lecture plus nuancée puisque des négociations ont été engagées, les délais de mise en œuvre de ces annonces ont été prolongés, et surtout, les résultats d’entreprises publiés au premier trimestre se sont révélés solides, les marges robustes, élevés et les commandes bien orientées : autant de signes qui confortent la solidité des fondamentaux des sociétés cotées. Ce décalage entre l’économie réelle et la perception qu’en ont les marchés, est au cœur de nombreux arbitrages récents.
Dans cette configuration actuelle d’agitation, demeurer investi constitue bien souvent une posture de lucidité et de discernement. Il ne s’agit pas d’une approche passive, mais bien d’un engagement rationnel en conservant une exposition mesurée, adaptée à l’horizon de placement prédéfini. Ajuster prudemment ses positions, sans se laisser influencer par les turbulences environnantes, permet de préserver la cohérence de la stratégie mise en place.
Il convient également de se prémunir contre l’excès inverse, à savoir cette crainte de manquer une forte reprise qui pousse certains à se repositionner de manière précipitée, au risque de s’exposer à nouveau aux marchés, sans fondement solide. Dans ce contexte, la constance dans l’allocation d’actifs, alliée à une discipline rigoureuse, demeure un facteur de succès bien supérieur à la vélocité des décisions.
En définitive, l’inaction apparente peut-être une forme d’action réfléchie. S’abstenir de vendre dans la tourmente, c’est aussi se positionner pour les phases de redressement qui, bien souvent, surviennent de manière brutale. L’histoire des marchés en témoigne : les rebonds les plus puissants naissent dans des climats d’extrême pessimisme, et seuls les investisseurs encore investis peuvent en bénéficier pleinement.
Dans un contexte où dominent l’instantanéité et le bruit, il est essentiel de remettre les mouvements des marchés en perspective, afin d’en extraire l’essentiel au-delà des émotions et, ainsi, faire fructifier durablement son capital avec discernement.
Rédigé le 3 juin 2025