Optigestion - Edito - Juillet 2023 Jacques_DE_PANISSE_fond_opti_x600

Inespéré !

Par Jacques DE PANISSE

Gérant Associé

 

Si l’inflation semble ralentir partout, les économies présentent des comportements différents. Aux Etats-Unis croissance et plein emploi témoignent d’une tonicité inattendue. En Europe, l’essoufflement industriel révèle des fragilités grandissantes. En Chine, l’absence de subsides lors du confinement prolongé a limité la reprise de la consommation post-Covid à un sursaut de courte durée que les pouvoirs publics s’efforcent d’entretenir en stimulant avec précaution les conditions de crédit.

Le scénario inespéré – tant il semblait idéal – semblerait se mettre en place : l’inflation continuerait de faiblir sans que la hausse des taux d’intérêt n’ait entraîné de récession significative. Si l’orientation à la baisse de l’inflation totale est satisfaisante, le niveau de l’inflation sous-jacente (hors facteurs conjoncturels volatiles comme l’énergie et l’alimentation) se maintient à 4,6% aux Etats-Unis et 5,5% en Europe, des niveaux que les banques centrales considèrent comme trop éloignés de l’objectif de 2%. Ainsi, la FED comme la BCE vont poursuivre leur politique monétaire restrictive.

Aux Etats-Unis, il semblerait que la force intrinsèque de l’économie puisse s’accommoder d’une phase de freinage prolongée. L’emploi est en plein essor, les salaires réels ont cessé de baisser, le marché du logement s’est stabilisé, la FED, apparemment, n’a pas à craindre un brutal ralentissement de conjoncture en réhaussant le coût du crédit.
En revanche, il est possible que les salaires progressent à l’avenir du fait d’une insuffisance de demandeurs d’emploi. Le Covid aurait incité 2,4 millions d’américains à prendre leur retraite de façon anticipée. De plus, la génération du baby-boom qui quitte le marché du travail est bien plus nombreuse que la génération des jeunes qui entre sur le marché du travail. A ce jour, 43% des offres d’emploi sont insatisfaites.
Ce déficit structurel risque d’impulser une tendance haussière des salaires. Soit les entreprises répercuteront la charge avec une hausse de prix, ce qui alimentera l’inflation, soit elles accepteront sous l’effet de la concurrence de réduire leur marge, ce qui affectera l’économie et Wall Street.

En Europe, la situation est moins sereine car le ralentissement a déjà imprégné la plupart des économies et notamment l’Allemagne. L’indice d’activité économique européenne est revenu sous son niveau de début d’année tandis que l’inflation sous-jacente se maintient à 5,5% sur un an. Le resserrement monétaire parait inévitable et risque de dégrader différents pans de l’économie qui ont naturellement recours au crédit, comme l’immobilier ou le secteur bancaire.
Ce n’est pas tant l’inflation qui devrait connaitre des effets de second tour que la contraction économique qui risque de s’accentuer du fait d’un pouvoir d’achat qui s’amenuise et de résultats d’entreprises fragilisés.

Enfin, une tendance semble acquise pour le plus grand nombre, la baisse définitive du cours des matières premières et notamment du baril. Cette conviction largement partagée pourrait apporter quelques déceptions et remettre en cause un des paramètres clés du fléchissement de l’inflation. Plus d’un tiers de la demande de pétrole en 2030 devra provenir de forages qui n’existent pas encore, ce déséquilibre structurel atteindra 50% en 2040. Il faudra bien financer ces nouvelles installations !

Les marchés financiers ont enregistré un parcours particulièrement favorable depuis 6 mois, si on s’en tient aux performances des grands indices boursiers, portés par la technologie américaine. Il est probable que les résultats du 2ème trimestre vont refléter un début d’inconfort mais il faudra surtout écouter les commentaires des chefs d’entreprise et leurs anticipations sur le second semestre. La résilience actuelle repose sur une augmentation des prix initiée par les sociétés et acceptée par les clients. Cette situation pourra-t-elle se perpétuer encore longtemps ?
Le début de l’été laisse souvent entrevoir le risque d’une secousse aux contours incertains : elle n’est pas improbable même si elle demeure à ce jour difficile à identifier.

Rédigé le 4 juillet 2023