Le sens du temps

Par Nicolas DOMONT

Gérant Associé

Les mégatendances ne sont pas des modes passagères mais des mouvements de fond qui redéfinissent durablement les usages, les marchés et les chaînes de valeur. Elles naissent d’innovations technologiques, énergétiques ou sociales qui créent de nouveaux besoins, de nouveaux comportements et, souvent, de nouveaux marchés. L’essor de l’intelligence artificielle, la transition énergétique, la santé connectée ou la cybersécurité illustrent cette dynamique : chacune combine innovation, scalabilité et création de valeur. Investir dans une mégatendance, c’est s’exposer à une trajectoire structurelle de croissance, bien au-delà des cycles économiques ou des rotations sectorielles.

Toutefois, investir dans ces tendances exige une temporalité spécifique. Avant d’en récolter les fruits, il faut savoir construire une conviction, patiente et documentée. Chaque cycle d’innovation commence par une phase d’investissement lourd dans les infrastructures, qu’il s’agisse de data centers, de batteries, de véhicules autonomes, ou de la cybersécurité, avant d’atteindre son rythme de croisière et sa rentabilité. Entre la mise en place et la phase d’exploitation, le marché doute, la volatilité s’installe, et la perception d’une “bulle” ressurgit. Pourtant, cette incertitude est le prix à payer de la croissance future : elle accompagne toutes les transformations industrielles majeures. La conviction se forge précisément dans ces périodes d’instabilité où le bruit de court terme masque la logique de long terme.

 

Les mégatendances se développent rarement dans une ligne droite. Elles avancent par à-coups, avec des phases d’exubérance et de consolidation. La clé est de distinguer la tendance de fond du simple mouvement de marché. Une rotation sectorielle peut effacer un trimestre de performance ; un véritable changement d’usage s’étend sur une décennie. L’investisseur patient sait que le temps est un facteur de rendement. À l’inverse, l’opportunisme de court terme crée de la volatilité, entretient le doute et fragilise la vision d’ensemble.

 

Plusieurs études confirment que le “market timing” est souvent contre-productif. Vanguard rappelle qu’en tentant de sortir puis de revenir sur le marché, les investisseurs manquent fréquemment les meilleures journées de performance, qui surviennent souvent juste après les pires. Selon Schwab, manquer seulement les dix meilleures séances boursières sur vingt ans réduit le rendement annuel d’environ 40 %. Hartford Funds va plus loin : rater ces dix journées sur trente ans divise le rendement par deux. Les données de Fidelity montrent le même phénomène de “clustering” : les jours les plus haussiers suivent de très près les plus baissiers. Essayer de chronométrer le marché revient donc à se priver mécaniquement d’une part essentielle de la performance long terme.

 

Ces conclusions rappellent que la performance se juge dans la durée, non dans la réaction. L’investissement doit s’évaluer sur trois à cinq ans, horizon minimal pour mesurer la pertinence d’une stratégie. C’est dans ce laps de temps que les effets de change, les cycles politiques ou les chocs géopolitiques s’estompent, laissant apparaître la véritable valeur d’un modèle économique. La gestion de la volatilité, loin d’être un frein, devient un instrument d’analyse : elle aide à distinguer les fluctuations émotionnelles des mouvements structurels.

 

Regarder les performances sur trois ans, c’est replacer l’investissement dans sa juste temporalité. Ce n’est pas ignorer le court terme, mais refuser qu’il dicte les décisions. Les mégatendances s’apprécient sur la durée, là où la technologie rencontre l’usage, où l’innovation devient productivité, et où la conviction se transforme en création de valeur. Investir avec une conviction forgée, c’est accepter le temps comme allié plutôt que comme contrainte.

 

 Benjamin PHILIPPE fon opti x600Nicolas Domont

Gérant Associé

 

Rédigé le 1er décembre 2025