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Ces placements haut de gamme offrent des garanties solides. Mais certains conseillers financiers agitent aussi le chiffon rouge de la crise politique pour mettre en avant ces enveloppes.
Le Figaro - 5 juillet 2024 - Par Jorge Carasso
Peur sur l’épargne. L’issue des élections législatives inquiète les Français qui ont un gros matelas d’économies. Certains craignent un scénario à la grecque avec une crise de la dette et une flambée des taux. «On a beaucoup de questions à ce propos, confirme Julien Magitteri, président-fondateur de Côme, un family office (ou gestionnaire de fortune). Les clients ont peur de voir leurs économies figées.» Dans ce contexte incertain, l’assurance-vie luxembourgeoise - c’est-à-dire souscrite auprès d’un assureur du Grand-Duché ou d’une filiale française établie là-bas - fait figure d’oasis. Ces contrats haut de gamme permettent de placer son argent sur une panoplie extrêmement large de produits - des fonds institutionnels de capital investissement, de l’or physique que l’on peut rapatrier sur simple demande -, de libeller les actifs en dollars ou en francs suisses si on le souhaite, voire, pour les contrats sur mesure (à partir du million d’euros), d’y loger de l’immobilier physique ou des œuvres d’art.
Mais ce n’est pas tout: ces enveloppes - accessibles souvent à partir de 100.000 € pour les contrats standards - ont l’avantage de profiter de la sécurité financière offerte par le Grand-Duché. «Le Luxembourg est un centre financier reconnu, noté AAA (la France est notée AA-depuis 2024,NDLR).En outre, en cas de difficulté d’un assureur, les actifs sont cantonnés sur le compte d’un établissement tiers, ce qui offre un degré de protection supplémentaire par rapport à la France», rappelle Éric Gérard, gérant associé du groupe de gestion privée Optigestion. Mais surtout, les clients bénéficient de la garantie ducale. En cas de faillite de l’assureur gestionnaire du contrat, ils sont prioritaires pour récupérer leur argent, sans limite de montant (En France, la garantie se limite à 70.000 € par assureur). «Ces protections rassurent aujourd’hui», abonde François Louarn, directeur de la distribution à La Financière d’Orion, un cabinet deconseillers en gestion de patrimoine(CGP). Ces contrats ne permettent toutefois pas d’échapper à la fiscalité française. C’est l’imposition du lieu de résidence principale qui s’applique, en l’occurrence celle de l’assurance-vie (soit 30 % pour la France ou 7,5 % + 17,2 % de cotisations sociales au bout de 8 ans). Pas d’effet d’aubaine, donc.
«Jouer sur la peur»
Quoi qu’il en soit, ces contrats ont des atouts indéniables lorsque l’on a les moyens et que l’on veut diversifier ses placements. Mais il ne faut pas se tromper d’objectif. En effet, des CGP peu scrupuleux profitent en ce moment de l’inquiétude ambiante pour pousser plus que nécessaire ces contrats, par ailleurs très chargés en frais. Certains agitent notamment le chiffon rouge de la loi Sapin 2 - une règle qui permet de bloquer exceptionnellement pour une durée de 3 à 6 mois maximum, les retraits de l’assurance-vie en cas de crise systémique - pour laisser entendre que l’épargne des Français serait menacée, pire, qu’un nouveau gouvernement pourrait actionner cette mesure pour éviter la dégradation de la note de la France. «La loi Sapin 2 ne fonctionne absolument pas comme ça, rappelle Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l’épargne. Dire cela, c’est jouer sur la peur et vendre un peu rapidement des contrats luxembourgeois.» Cette mesure, prise pour éviter les effets d’une crise financière comme celle de 2008, vise en effet avant tout à protéger les assureurs qui seraient pris à la gorge par des retraits soudains et massifs d’épargnants, comme ce fut le cas en Grèce en 2011. Nous sommes aujourd’hui loin de ce type de scénario, quelle que soit la majorité qui se dessinera à l’issue des élections, et le secteur de l’assurance-vie (14,2 milliards d’euros de collecte nette depuis le début de l’année, un record) est solide. Mais surtout, le mécanisme ne peut s’appliquer qu’en cas de risque pour le système bancaire, sur proposition du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et décision de Bercy.Il ne dépend pasdu bon vouloir du gouvernement. Une nouvelle de nature à rassurer les Français inquiets de l’issue de ces élections.