Retour vers la qualité
Par Nicolas de ZALUSKI
Secrétaire Général
« La crise actuelle n'est pas encore terminée, et même lorsqu'elle sera derrière nous, elle aura des répercussions pour les années à venir. », tels sont les propos tenus récemment par Jamie Dimon, Président de la banque américaine JPMorgan.
Après la crise des subprimes de 2008, afin de relancer l’économie, la politique de la FED a été de maintenir pendant une longue période ses taux à des niveaux proches de zéro tout en augmentant la taille de son bilan. Puis la crise du Covid et la guerre en Ukraine ont provoqué un choc de l’offre lié à une économie à l’arrêt et déjà sous la perfusion de liquidités abondantes. Cumulés, ces événements ont provoqué un emballement de l’inflation.
Pendant un an, la FED a donc augmenté agressivement ses taux à 5 % afin d’enrayer la hausse des prix. Cette hausse rapide a causé un choc sans précédent sur le secteur bancaire.
La crise actuelle, dont nous parlons, c’est donc celle de l’impact de la politique expansionniste puis restrictive de la FED sur le secteur bancaire. Elle s’est manifestée en mars par la faillite de la Silicon Valley Bank. Il y a encore cinq ans, la Silicon Valley Bank n’était qu’une banque modeste avec moins de 50 milliards de dollars d’actifs. Elle est devenue en 2022, une banque a plus de 200 milliards d’actifs, adossée principalement aux secteurs de la technologie et des crypto-monnaies.
A la vitesse de Twitter, une ruée vers les retraits s’est déclenchée ; 42 milliards de dépôts sont sortis en un jour. Pour faire face, la Silicon Valley Bank a dû liquider des obligations d’état avant leur maturité, déclenchant des pertes massives, la conduisant à déposer son bilan.
En effet, après s’être ajustées à la hausse des taux d'intérêt de la FED en 2022, les plus grandes banques régionales américaines ont commencé l’année 2023 avec moins de liquidités qu'à n’importe quel moment depuis la crise financière de 2008 et donc mal préparées à supporter une ruée vers les retraits.
En mars, la situation s’est aggravée et les banques américaines ont dû faire face à un retrait historique de près de 400 milliards de dollars de dépôts vers d’autres actifs.
Par réaction à la faillite de la Silicon Valley Bank, la FED a donc mis en place le Bank Term Funding Program (BTFP) afin d’éviter une nouvelle crise, avec notamment la garantie des dépôts au-delà de 250 000 dollars ou la garantie sur certaines obligations détenues par les banques jusqu’à 100% de leur valeur nominale. C’est le prix à payer pour la FED ; garantir les actifs qui ont souffert de sa politique agressive de remontée des taux pour lutter contre l’inflation.
Mais en agissant ainsi, la FED n’est-elle pas en train de créer un autre problème ? Il n’y en aurait pas, tout serait sous contrôle nous dit-on ! Nul doute que la politique en matière de taux d’intérêt de la FED alors qu’elle lutte depuis un an contre l’inflation entrera en collision avec la crise dans le secteur bancaire. Jerome Powell doit également faire face au fort endettement des Etats-Unis, amplifié par la crise du Covid, dont le ratio dettes / PIB est supérieur à 100%.
Même si cette crise n’a rien à voir avec celle de 2008, nous demeurons dans une période d’incertitude. Ainsi, croire que la crise bancaire du mois de mars est terminée et sera sans conséquence sur l’économie est certainement prématuré à ce stade. En effet, les réformes réglementaires introduites après la crise financière de 2008 étaient censées rendre les renflouements bancaires obsolètes. Les banques centrales ont donc dû réagir très rapidement, en un week-end, tant aux Etats-Unis (Silicon Valley Bank et First Republic Bank) qu’en Suisse (Absorption du Crédit Suisse par UBS).
Ainsi, ce stress test du mois de mars, à grande échelle, a révélé des lacunes et a notamment confirmé une tension sur les liquidités dans certaines banques. Il a eu pour conséquence une baisse brutale des taux, par anticipation des risques accrus de récession aux Etats-Unis et d’une inflexion de la politique de hausse des taux de la FED.
Au cours du mois de mars, d’une part, la faible exposition au secteur bancaire, qui a sous-performé, et d’autre part, la surexposition aux valeurs de croissance ou défensives et de qualité ont été favorables à la performance de nos fonds.
Rédigé le 11 avril 2023