Optigestion - Edito - Septembre 2021 Jacques_2021_9945f

Pilotage à vue.

Par Jacques DE PANISSE

Président du Directoire, Gérant et Associé

La vigueur de la reprise et la progression des cours des actions sur les marchés financiers placent les banques centrales dans une situation paradoxale.

L’été a confirmé des résultats d’entreprise particulièrement satisfaisants au deuxième trimestre. En Europe, les résultats sur 2021 (constitués des chiffres publiés sur les deux premiers trimestres et des prévisions sur le 3ème et le 4ème trimestre communiqués par les analystes d’Alphavalue qui couvrent 470 sociétés cotées en Europe) enregistrent une progression de 11,5% sur les résultats de l’année 2019. Ainsi, l’effondrement de 2020 a été largement effacé et la dynamique en place laisse prévoir une progression des profits de 8,5% en 2022, ce qui est très satisfaisant.

La FED, qui fixe la tendance, nous a montré lors de la réunion annuelle de Jackson Hole, à laquelle participent les dirigeants des grandes banques centrales à la fin du mois d’août, sa volonté d’agir avec prudence. Ainsi, malgré l’amélioration générale qui justifierait de réduire le soutien apporté à l’économie par le maintien de taux anormalement bas, Jerome Powell n’a pris aucun engagement qui ne puisse être remis en cause par une évolution de la conjoncture d’ici la fin de l’année.

La crainte de voir le Congrès raboter à l’excès les deux grands plans de soutien qui, avec le rehaussement du plafond de la dette, font l’objet d’âpres négociations entre démocrates et républicains, le doute que peuvent susciter certaines statistiques, sur l’activité, l’emploi et les salaires, notamment, contraignent la FED à rester dans l’expectative. Demain demeure imprévisible et le redressement actuel pourrait prochainement toucher à sa fin.

Un scénario particulièrement délicat à gérer pour une banque centrale pourrait se profiler, la stagflation. Une croissance apathique associée à un réveil de l’inflation.

L’analyse couramment proposée estime que le raffermissement actuel de l’inflation serait lié au redémarrage musclé de l’économie. Une fois le rebond effectué et les goulots d’étranglement résorbés, l’inflation devrait retrouver des niveaux modestes, voire insignifiants. Les faits semblent moins dociles et si la tendance haussière des salaires se confirmait il est certain que le caractère transitoire et localisé attribué à l’inflation serait remis en cause.

Simultanément, un tassement de l’activité semble se profiler. En août, 235 000 emplois ont été créés alors que 700 000 étaient prévus. En soi, cette statistique pourrait n’être qu’une déception ponctuelle. Certes, elle pourrait également venir confirmer une dégradation manifeste qui se dessine en Chine. Or, la Chine est le pays le plus en avance dans le cycle, suivie par les Etats-Unis puis l’Europe. Les dernières données macro-économiques chinoises ne sont pas encourageantes. Après l’activité manufacturière, les services affichent à leur tour une contraction très significative.

Faut-il appréhender une dégradation qui s’étendrait progressivement de la Chine vers les Etats-Unis puis vers l’Europe ?

Cette mise en perspective pourrait expliquer l’absence de reprise de l’activité manufacturière en Allemagne qui baisse de 2% depuis le début de l’année et de 12% depuis son point haut fin 2017.

Le secteur automobile, figure de proue de l’industrie allemande, poursuit sa dégradation débutée en 2018. Quand on connait le poids de l’industrie allemande en Europe et son succès à l’exportation, on est en droit de s’interroger sur ce possible signe précurseur.

Sommes-nous en présence de coïncidences ou existe-t-il un lien de cause à effet ? Il est encore trop tôt pour en décider mais la possibilité d’un ralentissement généralisé ne peut être exclue.

C’est bien la difficulté que rencontre la FED, l’éventuel ralentissement qui prend corps nécessiterait de stimuler l’économie, notamment en baissant les taux d’intérêt et en maintenant le « tapering » tandis que la possible renaissance de l’inflation, si elle était confirmée, exigerait précisément de faire l’opposé, au risque de freiner encore plus l’économie.

Pour l’instant, la FED pilote avec doigté une situation d’attente et maintient les largesses monétaires.

 

 Rédigé le 7 septembre 2021

 

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