Optigestion - Edito - Juin 2023 Jacques_DE_PANISSE_fond_opti_x600

Pourquoi regarder devant ?

Par Jacques DE PANISSE

Gérant Associé

 

L’économie mondiale connait des tendances discordantes. Il semblerait que des calendriers différents s’appliquent aux principales métriques en action. Ainsi la politique restrictive mise en œuvre en 2022 par les banques centrales - la FED et la BCE notamment – a déclenché en 2022 une des pires années jamais enregistrées par les marchés obligataires sans être parvenue pour autant à freiner la vigueur économique des Etats-Unis et de l’Europe.

Les marchés ne sont pas patients et envisagent déjà une récession indolore alors que le délai de 18 mois, qui permet à une hausse des taux directeurs de freiner l’économie, n’est pas encore écoulé. Ce n’est qu’à partir de cet été que les effets récessifs des mesures prises commenceront à véritablement produire leur effet. Les prémices apparaissent dans les secteurs qui reposent sur l’endettement à taux variables, mais l’essentiel du ralentissement que va produire le relèvement notable des taux ne s’est pas encore fait sentir.

Simultanément, les observateurs semblent considérer que la réduction du pouvoir d’achat d’une partie importante de la population va disparaître avec la baisse manifeste de l’inflation. La lecture de l’arithmétique en cause est un peu optimiste. C’est l’accélération de la hausse des prix qui ralentit et non pas la moyenne des prix qui commence à baisser.
En réalité, la dégradation du pouvoir d’achat va continuer de s’accentuer pour le plus grand nombre mais à une vitesse moindre. De plus, l’épargne complémentaire, constituée des subsides post Covid, s’amenuise et devrait s’épuiser avant la fin de l’été. La demande du consommateur, moteur essentiel des chiffres d’affaires des sociétés, va continuer de s’éroder dans les mois futurs.

Il est vrai qu’une synthèse rapide laisse espérer une économie portée par une excellente situation de l’emploi et un fléchissement de l’inflation, ce qui pourrait se traduire par une économie fondamentalement solide qui sera prochainement relancée par un moindre coût de l’argent.
Les places financières se réjouissent déjà et caracolent. Il est vrai que l’IA (l’intelligence artificielle) offre des potentialités considérables, inédites.
A y regarder de plus près, on constate cependant que les grands investisseurs mondiaux préfèrent les très grandes capitalisations qui offrent une excellente liquidité. La confiance est d’autant plus sélective qu’elle pourrait s’avérer de courte durée.
Une part importante des actions cotées, appartenant aux compartiments des petites et moyennes capitalisations, se trouve clairement délaissée.
Si on retirait une dizaine de valeurs, toutes issues des secteurs technologiques, la performance depuis le début de l’année du plus important indice américain, le S&P 500, serait quasi nulle.
Les marchés se positionnent à court terme, ils refusent de se projeter dans le futur. Il est vrai que les bénéfices réalisés par les intervenants sont désormais essentiellement constitués par des écarts de modeste amplitude réalisés en peu de temps. Il faut multiplier les événements et écourter la durée d’exposition pour réduire les risques. Combien d’intervenants peuvent se prétendre « investisseur » ?
La visibilité particulièrement médiocre pourrait inciter les banques centrales à se focaliser sur le constat immédiat. Le ralentissement de l’inflation est indéniable mais, son niveau actuel encore bien éloigné des 2% visés, les risques de diffusion d’une hausse des salaires, le souvenir d’une intervention tardive qui avait sous-estimé le mouvement naissant, pourraient conduire les banques centrales à tout mettre en œuvre pour éradiquer, coûte que coûte, l’inflation … en sous estimant les effets cumulés et à terme de telles décisions.

Il nous semble que les premiers indices déjà perceptibles et l’ampleur des mesures initiées depuis bientôt 18 mois devraient confirmer l’émergence prochaine d’un ralentissement, suffisamment significatif pour adopter dès maintenant un profil plutôt prudent qui privilégie les actions de croissance et les secteurs défensifs.

Rédigé le 5 juin 2023