Optigestion - Edito - Septembre 2022 Jacques_DE_PANISSE_fond_opti_x600

L’Europe vulnérable

Par Jacques DE PANISSE

Président, Gérant et Associé

 

Les marchés financiers ont traversé l’été avec indolence, apaisés par les résultats des sociétés du deuxième trimestre, de bonne facture dans l’ensemble. Les perspectives annoncées par la plupart des dirigeants n’ont pas été aussi prudentes que la macro-économie pouvait le laisser supposer. Certains chefs d’entreprise ont même révisé à la hausse leurs anticipations sur le second semestre.

Ce trait favorable dans un contexte plutôt sombre fut un catalyseur propice, la réactivité des intervenants qui privilégient de plus en plus une approche technique pour saisir une opportunité de court-terme a fait le reste. Les indices d’actions se sont redressés de 10% à 15% en 6 à 8 semaines.

La réunion des banquiers centraux à Jackson Hole le 25 août a marqué la fin de cet intermède optimiste. Jérôme Powell a indiqué clairement que la FED allait réduire son bilan et remonter les taux d’intérêt au niveau requis pour vaincre l’inflation, quelles qu’en soient les conséquences.

Les marchés financiers ont pris conscience de la détermination de nombreuses banques centrales, décidées à déployer les moyens nécessaires pour contrer l’inflation. Après une période estivale insouciante, les taux d’intérêt sont repartis à la hausse et la crainte d’une récession prochaine est réapparue.

Ainsi, 2022 se caractérise bien par une dégradation simultanée du compartiment des taux et du compartiment des actions, une situation très inhabituelle à l’origine d’une contraction majeure de la liquidité, l’un des paramètres clés qui porte les marchés.

L’inflation se caractérise par une hausse généralisée et durable des prix. Elle se forme du fait d’une demande de biens et services supérieure à l’offre disponible et/ou du fait d’une offre de biens dont les prix augmentent sans retenue.

Dans le premier cas, la consommation s’emballe alors que le rythme de production ne parvient pas à suffisamment fournir, une situation qui s’est produite au lendemain de la crise du Covid, après des mois de confinement.

Dans le deuxième cas, l’économie subit une envolée des prix des matières premières et/ou d’intrants. Les produits de base, comme l’énergie ou les denrées agricoles, indispensables au cycle de fabrication des produits finis voient leur prix croître fortement. Cette situation est apparue avec la guerre en Ukraine, du fait de la dépendance de nombreux pays européens au gaz, au pétrole, aux céréales russes.

L’inflation qui résulte d’une progression brutale de la demande des consommateurs peut être freinée par une hausse des taux d’intérêt qui, après 4 à 6 mois, a un effet modérateur sur l’activité économique. En revanche, le coût des matières premières imposé par un pays étranger n’est pas affecté par une hausse des taux d’intérêt. L’inflation par l’offre est souvent d’origine étrangère, elle se forme et se développe indépendamment du pays qui la subit.

Les Etats-Unis connaissent une inflation qui résulte principalement d’une vigoureuse reprise de la consommation. Les mesures annoncées par la FED devraient finir par tempérer la demande, au prix d’une probable récession.

L’Europe connaît principalement une inflation qui résulte de l’emballement du prix des matières premières importées. La hausse des taux d’intérêt aura de ce fait moins d’impact. Cependant, en offrant une meilleure rémunération de l’€uro, elle favorisera une appréciation relative de la devise européenne. Les matières premières qui sont réglées en dollars coûteront ainsi un peu moins cher. Maintenant que la BCE a conçu et testé les outils qui, au lendemain d’une hausse des taux d’intérêt de l’€uro, lui permettent de gérer les tensions qui surviennent entre les taux nationaux des différents pays européens, il paraît très probable qu’elle va suivre la même voie que la FED.

L’efficacité des mesures initiées par la BCE pour contrer l’inflation pourrait être remise en cause par certains Etats, soucieux de privilégier la stabilité sociale au prix de largesses budgétaires réclamées par une population qui ne supporte plus la contraction de son pouvoir d’achat.

L’économique et le politique n’ont pas toujours le même horizon.

Rédigé le 6 septembre 2022